et dans un meme temps, la culture se meurt! L’intellectualisme français, qui plaisait tant aux Américains à l’époque de Sartre ou de Truffaut, est désormais passé de mode! les romanciers français n’offrent pas des produits correspondant à la demande internationale, et le cinéma ne propose plus que d’aimables œuvrettes réservées au marché national. Les autres rayons de notre supermarché culturel, comme la musique ou la peinture, ne se portent guère mieux ; partout, la part de la France dans le marché mondial diminue ou disparaît totalement. Il ne sert à rien de se voiler la face. Qui pourrait penser, en effet, que la culture financée par les pouvoirs publics empêchera la France de sombrer dans l’analphabétisme culturel ? Les autres, les soi-disant défenseurs de la culture populaire, qui rejettent la littérature cérébrale et le cinéma d’art et d’essai et réclament des best sellers et des blockbusters made in France, ont feint d’ignorer la distinction entre culture populaire et culture de masse et défendu les intérêts des grands groupes d’édition, de cinéma ou de télévision. Sucreries culturelles à la française Concernant la culture de masse, nous savons depuis longtemps que les contraintes du divertissement excluent les œuvres profondes, ou simplement édifiantes. D’une certaine manière, on ne peut plus parler de culture à propos de produits de consommation calculés pour attirer les foules, même si le cinéma hollywoodien a produit de nombreux films qui contredisent mon pessimisme. Cependant, il est également difficile de nier le succès de ces sucreries de l’esprit, ou leur influence sur les modèles culturels. L’américanisation galopante de notre société justifierait-elle que nous combattions hollywood sur son propre terrain ? Ne nous faisons pas d’illusion : même si les Français se mettaient à fabriquer des produits de masse, les Américains ne leur réserveraient qu’une part limitée dans leur propre marché. En outre, peut-on encore parler de « culture française » à propos de ces films à grand spectacle qui adoptent toutes les conventions du cinéma américain ou asiatique ? On le voit, les enjeux culturels dont il est ici question n’ont aucun rapport avec ce que Sartre, Cocteau ou Saint-John Perse auraient nommé ainsi. Quant à la culture sous perfusion étatique, même si on lui reconnaît hypocritement le mérite d’exister, on a parfois envie de débrancher les tuyaux et de laisser le malade mourir de sa mort naturelle. Pourquoi faudrait-il, en effet, continuer de financer des films, des pièces ou des expositions qui ne parviennent pas à trouver leur public ? La concurrence possède au moins un mérite : celui d’éviter que les créateurs ne monologuent, et de les obliger à tenir compte de ceux à qui ils prétendent s’adresser. Quelle que soit la qualité d’une œuvre, elle n’existe qu’à partir du moment où un groupe humain en apprécie les qualités. De même, un peuple obtient toujours la culture qu’il mérite ; sans doute, après tout, ne méritons-nous pas Baudelaire, Kafka, Van Gogh, Camus ou Truffaut, mais Spielberg, Mary Higgins Clark, Luc Besson et Bernard Werber. C’est pourquoi il est nécessaire d’exiger des entreprises culturelles une rentabilité économique – même réduite. À condition, bien sûr, que le fonctionnement du marché permette à des petites entreprises culturelles de présenter leurs créations et de dégager du profit en les commercialisant. Pour conclure, je dirais que je suis pour un interventionnisme utile. Moralité, osez Jack lang!